195 pages

EN LIBRAIRIE

Le 19/05/2016

PRÉFACÉ PAR

Nicolas Rey

Sofia Koupriachina


La Reine des terminus

l'histoire de l'armoire

Nicolas Rey



Au début, ça commence presque calmement : « Elle bossait comme balayeuse sur l’avenue du Nouvel Arbat. Pacha, elle, dans un MacDo, naturellement. Moi, je consignais les bouteilles vides, touchais le loyer, baisouillais en échange de victuailles, bref, nous étions toutes les trois des femmes d’affaires à la santé plutôt fragile. »
On doit être à la fin des années 90. C’est Boris Eltsine qui gouverne encore. On ne sait pas. On ne sait plus. On s’en fout pas mal. On est torché à la Vodka du matin jusqu’au soir et du soir jusqu’au matin. On baisse en permanence. On se pisse dessus. On rampe jusqu’à la chambre d’à côté convaincu qu’on va au bout du monde. Voilà. C’est un livre affamé sur les naufragés de la vie que l’on dévore en une seule prise.
Les nouvelles s’enchainent comme des virages diaboliques. Il faut s’accrocher. Tenir bon. Voyager jusqu’au bout de la nuit en attendant un aurore qui n’arrive jamais. Ce n’est pas un écriture bien élevée avec une cravate anglaise à la Jean-D’Ormesson. C’est une écriture de délinquant slave, de casseur, de toxico, de violeur, de violé, de cassé par la vie. Il y a les chiens de races et les bâtards flamboyants. Bienvenue du côté des bâtards flamboyants. Bienvenue du côté de ceux qui refuse de savoir se tenir bien, bienvenue du côté de ceux qui savent que rien ne vaut la peine, qu’à notre mort, nous allons devenir ce que l’on était avant de naître, à savoir rien. Une sorte de sommeil sans fond. Extrait :
« Qu'est-ce que je vous sers ?
- Ce que vous voulez, de toute façon, à la fin, tout se retrouvera dans les chiottes ! Une cuillerée de chaque truc ! »
Voilà. Tout va se retrouver dans les chiottes. Tout. Et nous les premiers.

Les prostitués sont le lien de presque chaques pages. Jamais on ne les juge. On tente de prendre soin d’elles comme d’un enfant malade : « Vous autres putains, il faut vous comprendre. Vous avez toutes fait des études supérieures de mathématiques, de fellosophie, de littérature, vous avez une âme en dentelle fine, bordel, et puis un jour : un amour malheureux. » Et un amour malheureux, ça ne pardonne pas. Il n’empêche. Jamais dans ce livre, vous ne trouverez d’un côté seulement la pourriture des hommes et de l’autre la bonté et la bienveillance des femmes :
« Je ne comprends pas les femmes qui disent : « Surtout pas d’hommes ! Ces conversations ineptes, ennuyeuses, ces disputes, cette soulerie, ces avances insolentes, ces cris, cette grossièreté, et puis, ils ont une drôle d’odeur ! » Moi, leurs conversations m’intéressent, j’aime leurs caresses grossières, leurs yeux brillants, le brouhaha de voix caverneuses et surtout... j’aime leurs grands pieds. »
Franchement, une femme qui écrit : « Et surtout...j’aime leurs grands pieds », permettez-moi de vouloir l’épouser sur le champs.

Enfin, aux alentours de la page 340, débarque cette phrase venue de nulle part : « Kierkegaard a remarqué que le vrai mutisme n’était pas dans le silence, mais dans la conversation. »
Ensuite, après le mutisme de la lecture, allez-y, place à la conversation inondée de Vodka, de sexe, de sodomie, de verge entre deux tétons et n’oubliez jamais cette phrase de Cioran : « L’essentiel n’est pas de s’astreindre à une oeuvre. L’essentiel est de connaitre quelques mots qui puissent se murmurer à l’oreille d’un ivrogne ou d’un mourant. »